- YAN LIBEN
- YAN LIBENAvec l’avènement de l’empereur Gaozu en 618 commence une des plus grandes dynasties chinoises: celle des Tang. Cette époque, qui voit la fondation et la consolidation du nouvel Empire, fait appel à de nombreux peintres et architectes, parmi lesquels Yan Liben et son frère Lide. Leur influence s’étendra jusqu’au début du règne de l’empereur Minghuang (713-755).Une lignée officielleYan Liben est issu d’une famille de la haute aristocratie. Sa mère était une princesse Zhou. Son père, Yan Pi, peintre et architecte illustre des Zhou du Nord et des Sui, fut haut fonctionnaire sous les deux dynasties et nommé président des Travaux impériaux sous l’empereur Yangdi. Il dirigea certains travaux tels que la construction du Grand Canal et la restauration de la Grande Muraille. Il transmit ses connaissances à ses deux fils, Liben et Lide.L’aîné, Lide, lui succéda et fut ministre des Travaux publics pendant les premières années de la dynastie Tang. Il bâtit des palais, des fortifications et des tombes impériales, qu’il revêtit également de peintures.En 626, Liben fut chargé, à des fins politiques, de faire les portraits des dix-huit lettrés du prince Qin, le futur empereur Taizong. En 643, il représenta sur les murs du pavillon Lingyan les «vingt-quatre fonctionnaires de grand mérite»; l’empereur Taizong y ajouta une inscription de sa main.Yan Liben occupait alors le poste de zhujue langzhong ; mais il semble toutefois que son rôle de fonctionnaire était secondaire, car l’empereur ne le désignait pas par son titre mais par la simple appellation de «peintre», comme pour un artisan. Une anecdote relate que l’empereur le fit appeler d’urgence pour dessiner un oiseau extraordinaire, découvert lors d’une promenade en bateau. Obligé de s’installer presque les pieds dans l’eau et de peindre sous les regards des courtisans, il en ressentit quelque humiliation. Par la suite, il déclara à son fils: «Dans ma jeunesse, j’ai étudié la littérature et la poésie; maintenant, je ne suis que le «peintre» et on me considère comme un domestique. Je te conseille de te détourner de cet art.»Toutefois, Yan Liben resta fidèle à la peinture. Vers 656, il succéda à son frère aîné au ministère des Travaux publics et, en 668, fut nommé Premier ministre de droite. Aux dires de ses contemporains, il semblait nettement plus intéressé par la peinture que par ses fonctions officielles. On le raillait en ces termes: «Le ministre de gauche gagne des batailles aux frontières, tandis que le ministre de droite (Liben) n’est célébré que par sa peinture.» Il mourut cinq ans après cette nomination.Yan Liben, peintre de personnagesTout en suivant l’enseignement de son frère, Liben continua la lignée des grands peintres des Six Dynasties. On raconte que les peintures murales de Zhang Sengyou lui déplurent fortement au début, mais que, par la suite, découvrant graduellement leurs qualités, il en fut fortement influencé et séjourna dix jours dans un temple célèbre pour admirer une œuvre de ce peintre.D’après les anciens catalogues, tels que le Xuanhe huapu du XIIe siècle, Yan Liben avait laissé une centaine de peintures connues. Un portrait de l’empereur Taizong et le Taoïste ivre sont considérés comme ses chefs-d’œuvre; des copies en subsistent (coll. A. Stoclet, Bruxelles). Le rouleau du musée de Boston, Portraits des treize empereurs , est considéré par les spécialistes comme authentique.Dès le Ier siècle avant J.-C., la peinture avait des fins didactiques. Elle constituait pour les autorités un instrument d’éducation du peuple et devait faciliter ainsi la tâche du gouvernement. De plus, les portraits des empereurs anciens, bons ou mauvais, étaient un sujet de réflexion morale pour les dirigeants. Le rouleau des Treize Empereurs fut conçu à cette fin. Le premier empereur représenté est Wudi des Han (199-157 avant J.-C.) et le dernier, Yangdi des Sui (605-618).On distingue deux styles de composition: certains empereurs sont figurés debout, entourés par des ministres également debout; d’autres, assis, sont entourés seulement de femmes et de courtisans. Ces derniers, au nombre de quatre, appartiennent à la dynastie des Chen et ont eu un règne très éphémère. Il semblerait que la répartition même des personnages puisse constituer une critique sous-jacente. Les empereurs, vêtus d’amples robes, sont nettement plus grands et plus corpulents que leur suite. Les touches de pinceau apparaissent très délicates et subtiles; les visages de souverains, dessinés avec beaucoup de soin, laissent transparaître, dans leur expression particulière comme dans la complexion très différenciée et symbolique, le jugement moral que l’époque de Yan Liben portait sur eux.Le portrait de l’empereur Chen Xuandi est d’une composition particulièrement riche. Le souverain, dont la robe sombre contraste avec le sceptre clair, est porté en litière par six porteurs. Deux courtisans tiennent chacun un écran avec lequel ils abritent la tête de l’empereur. L’immobilité du personnage central, monolithique, contraste avec l’agitation des serviteurs. En haut à gauche se détache l’inscription suivante: «L’empereur Xuandi des Chen au prénom Xu, a régné quatre ans. Il a respecté le bouddhisme et a fait réciter les sûtras à ses ministres lors des audiences.»D’après un historien du IXe siècle, Yan Liben était souvent sollicité pour peindre les ambassades étrangères à la cour de Chine. Deux copies tardives des Porteurs de tributs sont conservées. En 1972, au cours de fouilles effectuées dans la tombe du prince héritier Zhuang Huai, enterré en 685, on a découvert deux peintures murales représentant des ambassades. Le traitement des costumes en touches légères de couleur opposées à des zones sombres, la finesse des visages rappellent la peinture des Treize Empereurs . Ces peintures murales, effectuées treize ans après la mort de Yan Liben, pourraient être l’œuvre d’un de ses disciples. Il est certain aussi que la supériorité évidente du dessin des Treize Empereurs confirme l’authenticité de l’œuvre conservée au musée de Boston.
Encyclopédie Universelle. 2012.